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La Tunisie célèbre le 62ème anniversaire de la fête de l'évacuation

La Tunisie célèbre aujourd’hui, 15 octobre 2025, le 62ᵉ anniversaire de la Fête de l’Évacuation, commémorant le jour de 1963 qui a marqué le départ définitif du port de Bizerte des dernières forces françaises restées en Tunisie après l’indépendance.

Retour sur l’histoire

Face au mouvement des troupes tunisiennes et des citoyens, le 19 juillet 1961, vers la base militaire de Sidi Ahmed à Bizerte — dernier bastion de l’armée française en Tunisie après l’indépendance du 20 mars 1956 — le commandement militaire français de Bizerte prépara un plan d’attaque qu’il soumit au gouvernement de Paris. Les directives du général-président étaient claires : « frapper vite et fort ».

Les forces en présence étaient inégales.
Le dispositif tunisien se composait des Ve, VIe, VIIe et XIIe bataillons d’infanterie, équipés de quelques pièces d’artillerie (calibre 105 mm) et soutenus par deux cents éléments de la Garde nationale ainsi que par six mille volontaires, sans armes ou faiblement armés.

En face, les Français disposaient, selon l’amiral Amman, de 7 700 hommes (dont 3 500 prêts à l’affrontement), de trente-six avions (9 Mistral, 15 Mystère et 12 Corsair) et de quatre escadrons de défense aérienne et navale. Ces unités étaient renforcées par plusieurs bâtiments de guerre (Arromanches, Colbert, De Grasse…) mouillant dans la rade. D’autres renforts arrivèrent le 19 juillet d’Algérie, notamment le IIᵉ bataillon de parachutistes de l’infanterie de marine (R.P.I.Ma) et le IIIᵉ R.E.I.

Le 19 juillet, le gouvernement tunisien donna l’ordre à son armée d’abattre tout avion violant l’espace aérien national. À 15 h, des appareils français de reconnaissance survolant les positions tunisiennes furent pris pour cible. Ces derniers ripostèrent par un bombardement intensif.

Les troupes tunisiennes dirigèrent à leur tour leurs canons vers les installations des bases françaises de Sidi Ahmed et de Kharrouba. Des accrochages opposèrent les deux armées au port de Sidi Abdallah et à Ferryville (actuelle Menzel Bourguiba, à 20 km de Bizerte).

Le 20 juillet, les Tunisiens attaquèrent de nouveau la base de Sidi Ahmed, tandis que les Français préparaient une vaste offensive baptisée « Charrue longue ». Des centaines de volontaires furent pilonnés à la Pêcherie, et des combats sanglants se déroulèrent à la gare de Sidi Ahmed. Des avions venus de Kharrouba bombardèrent les troupes tunisiennes retranchées dans la cimenterie, qui leur opposèrent une résistance héroïque.

À la suite de ces affrontements, qui coûtèrent la vie à des centaines de soldats et de citoyens, la Tunisie rompit, pour la quatrième fois, ses relations diplomatiques avec la France.

Le 21 juillet, les troupes françaises donnèrent l’assaut sur la ville avec 3 600 hommes qui investirent les abords de Bab Mateur. Les parachutistes réussirent à prendre le canal, tandis que les Tunisiens se retranchaient dans la médina et livraient une véritable guérilla urbaine.

Les parachutistes, humiliés en Algérie, déchaînèrent leur rancune sur une population quasiment désarmée. L’un d’eux aurait déclaré :

« Nos armes et leur effet foudroyant nous donnaient une sensation extraordinaire de puissance. À ce moment-là, la renommée de la France dans le monde m’importait peu… Nous étions, nous parachutistes, comme un troupeau de loups répandus dans la ville, resserrant l’étau autour de l’armée tunisienne. »

Les combats se poursuivirent toute la nuit du 20 au 21 juillet dans les rues et les ruelles de la cité désertée par ses habitants. Le samedi matin se leva sur des dizaines de cadavres jonchant les coins et recoins de la ville martyre.

Malgré le déséquilibre flagrant des forces, l’armée tunisienne s’accrocha aux murs de la médina et opposa aux Français, postés dans la ville moderne, une résistance qu’ils n’avaient guère prévue.

En l’absence de statistiques exactes relatives aux victimes, certaines études avancent néanmoins les chiffres suivants : 639 morts (364 militaires, 45 gardes nationaux, 230 civils) et environ 1 000 blessés du côté tunisien. Du côté français : 27 morts seulement.

Devant la gravité de la situation, le Conseil de sécurité décida un cessez-le-feu immédiat (23 juillet), que les Français ne respectèrent que partiellement, poursuivant leurs bombardements sur d’autres localités (L’Aouina, Le Kef…). La Tunisie rappela son contingent du Congo et déposa une seconde plainte internationale.

La visite du secrétaire général de l’O.N.U., Dag Hammarskjöld, n’eut aucun effet : les Français refusèrent de le rencontrer, après avoir fouillé son cortège. Toutefois, grâce au soutien des pays afro-asiatiques, la Tunisie fit pencher la balance de son côté dans les couloirs de l’instance internationale (26 août 1961).

Fort de l’adhésion de son peuple, de la résistance de son armée et de sa victoire diplomatique, le gouvernement tunisien, dirigé par le leader Habib Bourguiba, refusa que la question de Bizerte soit discutée de manière bilatérale avec la France. Il repoussa également toute normalisation des relations diplomatiques tant qu’aucune négociation sérieuse n’aurait lieu sur la question.

Mais les relations entre les deux pays méditerranéens commencèrent à se détendre progressivement, à travers l’échange de prisonniers (215 Français et 740 Tunisiens). Des négociations s’ouvrirent à Rome (7–8 et 27–28 décembre 1961), puis à Paris (15–19 janvier 1962). Finalement, la France accepta le principe de l’évacuation.

Le 15 octobre 1963, l’amiral Vivier quitta Bizerte, escorté par deux patrouilleurs tunisiens, Destour et Djamhuriya.

Des réjouissances furent organisées, en présence de dirigeants égyptiens et maghrébins, pour célébrer la victoire du peuple tunisien et le départ du dernier symbole du colonialisme.

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